David Smetanine, zoom sur un sportif inspirant

Sportif de haut niveau, champion multi-médaillé notamment des Jeux Paralympiques, David Smetanine est engagé dans la lutte contre les maladies orphelines avec ELA (association européenne contre les leucodystrophies), et pour l’éducation et l’intégration des personnes handicapées via sa sa Fondation au Cameroun.

Zoom sur une personnalité inspirante et engagée, au parcours atypique.

• A quel moment as-tu décidé de devenir sportif de haut niveau ? 

Mon envie de faire du sport à haut niveau est beaucoup liée à mon éducation. Très vite, on m’a inculqué des valeurs de persévérance, de réussite et puis la recherche du prestige me tentait. J’ai commencé à me former aux sports de haut niveau avec le judo et la natation, qui ont fait partie intégrante de ma construction personnelle. 

Après mon accident, mon envie de devenir sportif de haut niveau ne s’est pas dissipée. J’ai alors décidé de continuer, avec mon handicap, en visant les Jeux Paralympiques. 

• Tu avais déjà ce rêve olympique avant ton accident ? Qu'est ce qui t'a aidé à le réaliser ? 

Après mon accident, il fallait repartir du début. Tout réapprendre. Je me suis dis : quitte à repartir de zéro, va jusqu’au bout de ton rêve sportif. Et ça a été le départ de ma carrière.

Je crois que mon attachement au sport m’a beaucoup aidé à surmonter les épreuves : le sport apprend à accepter la difficulté, parce qu’on ne peut pas concevoir de victoire sans passer d’abord par des épreuves, des échecs. Ca a été une branche à laquelle se raccrocher. Et si le sport est essentiel à la construction de toute personne en bonne santé, il l’est encore plus pour une personne qui a un handicap et qui a d’autant plus besoin de prendre soin de son corps.

Il faut aussi dire que j’ai eu beaucoup de chance. Le jour de mon accident, alors qu’il n’y avait personne sur l’autoroute à 11 kilomètres à la ronde, la seule personne sur la route était le patron du SAMU de Grenoble.  

Ensuite, durant ma rééducation, j’ai eu la chance de rencontrer Jean-Marc Clément, ancien entraineur handisport et sélectionneur de l’équipe de France paralympique. Ce sont aussi ces rencontres qui m’ont sauvé, et qui m'ont donné la possibilité d’aller au bout de mon rêve. C’est Jean-Marc Clément qui m’a redonné confiance en moi et qui m'a aidé à reconstruire mon amour propre, en me disant que mes compétences techniques étaient solides et que mon niveau de natation était élevé. C’est lui qui m’a convaincu d’aller faire un pied-de-nez aux joueurs valides à l’occasion des Jeux. 

C’est sur ses conseils que je me suis inscris à ma première compétition régionale - le jour de mon anniversaire - et que j’ai connu ma première qualification. Je crois que la clé de la réussite, c’est la confiance en soi. Alliée avec beaucoup de travail, bien sûr. 

•  Tu consacres aussi beaucoup de temps à des associations et à ta fondation. Que souhaites-tu apporter via cet engagement ?

En tant que sportif de haut niveau, on a beaucoup de visibilité. J’ai donc décidé d’utiliser mon expérience et mon image à bon escient.

Mon engagement auprès de ELA (association européenne contre les leucodystrophies, lutte contre les maladies orphelines) a deux enjeux : offrir de la visibilité à cette association, et consacrer du temps aux personnes atteintes de ces maladies. Le temps que je consacre aux enfants de cette association leur permet de réaliser le rêve de rencontrer une personne connue, mais aussi de s’identifier à une personne qui leur donne de l’espoir, qui crée de la motivation chez eux. Ces moments privilégiés d’échange et de partage permettent de transmettre un message fort : même avec peu de temps ou des moyens réduits, on peut réaliser ses rêves. 

Mon action au Cameroun, avec la Fondation, a pour objectif d’aider à l’inclusion sociale des personnes handicapées. J’ai décidé de m’engager au Cameroun en particulier suite à de nombreuses sollicitations de la part de Yves Marcellin Ossomba, qui m'a convaincu de le rejoindre.

Le financement de cette fondation d’intérêt général se fait beaucoup grâce aux dons de sportifs de haut niveau. Grâce à cette fondation, créée en 2012, on aide les personnes handicapées à vivre en citoyens à part entière. On les aide à avoir des papiers, une carte d’identité, on les aide à aller à l’école, on leur donne des fournitures scolaires… Les choses prennent un peu de temps, notamment parce que la connexion à internet n’est pas aussi simple qu’ici en France, mais notre action apporte un vrai soutien à la population locale. 

• Tu es aussi engagé dans l’organisation des JO 2024 à Paris, et pour une meilleure perception du handicap. Peux-tu nous en dire plus ? 

Je suis effectivement très engagé dans la diffusion du sport de haut niveau, et d’autant plus avec l’arrivée des JO à Paris. Je postule à la direction des sports, je suis membre de la commission des athlètes depuis 2008 et de la commission de lutte contre le dopage. 

Je souhaite que cette arrivée des Jeux Olympiques à Paris soit l’occasion de faire des Jeux Paralympiques une belle réussite, et je veux accroitre la culture autour des Jeux Paralympiques. L’enjeu est double : montrer que malgré le handicap, nous sommes des sportifs reconnus, et remettre les valeurs du sport davantage au coeur de notre société.

Aujourd’hui, nous sommes une nation qui a fait émergé des sportifs brillants mais la majorité des Français ne sont pas particulièrement sportifs. Je pense que donner une dimension plus importante au sport à l’école est essentiel pour promouvoir de belles valeurs telles que la confiance en soi, le respect des autres, le respect des règles, l’ouverture d’esprit et le dépassement de soi. Ca crée des personnes combatives, dans le sport comme dans la vie de tous les jours et en entreprise.

J’aimerais que cette culture du sport permette aux Français de davantage se serrer les coudes, que la solidarité et la fraternité ne soient plus reléguées aux moments tragiques comme les attentats. Le sport est un véritable fédérateur, unificateur, et il remet sur la table des valeurs saines.

J’aimerais que ces JO à la maison soudent le pays comme lors de la coupe du monde de 1998, et je vais faire ce qui est en mon pouvoir pour que ce soit le cas. 

• En tant que citoyen lambda, que peut-on faire pour soutenir votre action et contribuer à l’intégration des personnes handicapées ?

La première chose à faire, tout simplement, c’est de s’intéresser et d’apprendre à connaître des personnes qui font face à un handicap. Bien sûr, il y a des "cons" partout, mais la plupart des personnes handicapées sont très inspirantes car ce sont des personnes qui connaissent de vraies difficultés au quotidien et qui apprennent à les surmonter. 

D’ailleurs, de plus en plus d’entreprises se rendent compte qu’à compétences égales, les personnes qui ont un handicap apportent souvent plus à l’entreprise : ce sont des personnes qui n’ont pas peur des obstacles et qui ont l’habitude de vaincre les difficultés.

Au delà de l’aspect handicap, qui peut en réalité toucher chacun d’entre nous à un moment ou un autre de sa vie, je crois qu’il est nécessaire de s’intéresser à autrui. Aux personnes qui souffrent, qui sont en détresse, et qui surmontent des difficultés. Il n’y a pas plus belle valeur patriote selon moi que celle l’accueil, comme les Corses l’ont récemment proposé à un bateau de réfugiés en détresse. S’ouvrir à l’autre, c’est écouter les personnes dans le besoin, mais c’est aussi une formidable façon d’apprendre de ces personnes, de se construire. 

David Smetanine

• 4 Jeux Paralympiques, 9 médailles dont 2 en or, 5 en argent et 2 en bronze.
• 5 Championnats du monde, 10 médailles dont 3 en or, 2 en argent et 5 en bronze.
• 4 Championnats d’Europe, 11 médailles dont 3 en or, 3 en argent et 5 en bronze.
• 140 titres de champion de France (un record national)

La Fondation Handisport David Smétanine entend former les personnes handicapées du Cameroun : pour l’insertion et l’éducation.