Pourquoi je n’achèterai pas de toboggan sur Amazon pour ma fille en ce moment ?

Nous ne pouvons plus sortir. Nous sommes, pour certains, en chômage technique. On s’ennuie. On tourne en rond. On ne trouve plus de masques, de pâtes, de gels hydroalcooliques, de divertissements. Alors on se laisse tenter : on va voir sur Amazon.

Au dessus des lois, des impôts, des crises et des virus, Amazon explose, comme toujours. 100 000 personnes supplémentaires sont recrutées pendant la crise dans le monde. Mais à quel prix ? 

Enfermée avec ma fille de 18 mois et mon mari dans mon petit appartement de banlieue parisienne, j’ai moi-même pensé à m’enfuir chez mes parents et à installer dans le jardin un petit toboggan pour ma fille. Acheté sur Amazon, le seul et unique endroit qui m'assure d'être livrée.

Puis j’ai réfléchi. Comment ce toboggan va-t-il arriver jusque chez nous ? 

Alors que la France entière est en « état de guerre » et confinée chez elle, les salariés - enfin, intérimaires - d’Amazon sont eux sur le front pour nous expédier DVD, rasoirs, altères et autres objets d’urgence vitale (vraiment ?). Travaillant jusqu’à 1 700 personnes par entrepôt dans les 10 centres logistiques français, ils n’ont ni masque, ni gants ni suffisamment de gel. Ils s’inquiètent pour leur santé comme en témoignent leurs déléguées syndicales

Sorti de son entrepôt, ce toboggan va être livré chez moi par un transporteur routier Amazon sonnant de portes en portes. Contrairement au postier, il ne livre pas de plateau repas ni de sourires aux personnes isolées. Contrairement au postier, il n’a pas eu de consignes de sécurité strictes : la cadence reste de mise. 

Enfin, au delà du déni sanitaire que ma commande de toboggan représenterait, je pense aujourd’hui aux petits commerçants qui ne peuvent plus, à juste titre, ouvrir leurs portes. Je pense aujourd’hui aux petits artisans qui ne peuvent plus, à juste titre, expédier leurs productions par la Poste tournant au ralenti. Je pense forcément aux marques engagées, de Dream Act et d’ailleurs, qui, à juste titre, ont peur pour leur avenir. 

C’est pour eux que je m’indigne aujourd’hui de voir la concurrence déloyale des entrepôts tournant à plein régime et en toute insécurité des géants de la distribution en ligne. 

Alors tant pis, ma fille sera privée de toboggan. En échange elle aura des câlins, des histoires et de la musique. 

Salariés en cols blancs, vous applaudissez chaque soir les héros en blouse blanches. Pensez également aux travailleurs indépendants, qui ont plus que jamais besoin de vous en ce moment. Pensez également aux travailleurs précaires exploités par les géants de la distribution. Rendez-leur hommage au quotidien : ne vous laissez pas guider par les sirènes de la surconsommation.

Diane Scemama

Article rédigé par :

Diane Scemama

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