Un monde sans surproduction : ça donnerait quoi ?

Le "monde de demain" sans surproduction, donc sans soldes, ça donnerait quoi ? Diane Scemama, co-fondatrice de Dream Act, l'a imaginé :⁠


20 janvier 2050, centre ville de Reims.

En promenade avec mes petits-enfants, je prends plaisir à voir défiler les vitrines de petites marques textiles qui vivent dignement de leur travail. Elles fabriquent sans sur-stockage et localement des vêtements de qualité, avec des matières premières écologiques venues d’Europe. 

De grands dessins sont tracés à la craie sur les vitrines : ils montrent la provenance des matières avec transparence et nous rappellent de n’entrer que si nous avons réellement besoin d’un nouveau produit. Ils soulignent aussi qu’ici sont collectés nos vieux vêtements pour les rapiécer et les donner aux plus démunis, ou collectés pour fabriquer de nouveaux fils textiles recyclés. Sur les étiquettes,  les conditions de fabrication sont rappelées ainsi que les indications de lavage pour conserver son vêtement et faire des économies d’énergie. 

Je m'entends m'exclamer :

"De mon temps, en 2021, c’était bien différent. Il n’existait que des grandes enseignes aujourd’hui disparues, et les gens prenaient leur voiture pour faire des courses dans des centres commerciaux géants, des sortes d’immeubles remplis de magasins. A l’époque, c’était d’ailleurs aujourd’hui le début des soldes.

-       Quoi, tu as connu les soldes mamie ?! s’étonnent mes petits-enfants.

-       Oui, j’ai connu les soldes. Cette période de l’année qui n’était que l’apogée de l’absurdité du commerce d’avant."

2,6 milliards de pièces textiles étaient mises chaque année sur le marché, dont 1/3 n’étaient jamais portées. La nouveauté et l’incitation à la vente étaient le coeur du modèle économique de ces enseignes sans conscience.  Créer de nouvelles collections et provoquer des besoins inutiles, pour vendre toujours davantage : tel était leur adage pour nous vendre des t-shirts moins chers qu’un sandwich*.

70% de la valeur de ces produits revenait à la marque distributrice, qui avait alors tout loisir de rebooster son activité avec des ventes privées, soldes, black friday et autres temps forts du commerce, puisque 21% du chiffre d’affaires de l’habillement était réalisé pendant ces périodes de réduction. Pas question de les remettre en question : les soldes étaient encouragées par nos gouvernements.  La loi Pacte, censée favoriser la « transformation des entreprises » avait réduite la période des soldes de 6 à 4 semaines afin de « ré-enchanter les soldes » et de « créer plus d’urgence et d’envie ».** Cette loi avait pour mission de transformer responsablement notre économie d’alors…. mais aussi d’augmenter la croissance des entreprises à court terme : des objectifs contradictoires, nous le savons maintenant. 

Le mot d’ordre en 2021 ? Portez un masque et faites les soldes, l’économie a besoin de vous ! Pourtant, la planète criait déjà à l’agonie et la jeunesse exigeait le monde d’après. Nous étions une poignée à rétorquer «Ne faites pas juste les soldes, faites des soldes justes ! Achetez utile, durable et local : c’est ça qui relance l’économie française et fait respirer la planète. Pas la frénésie du discount made in très loin. ».

Des petites marques consciencieuses et éthiques pratiquaient aussi des soldes à cette époque. Un moyen de survivre dans cette jungle économique où la bataille des prix faisait rage. Les consommateurs mal habitués exigeaient de la nouveauté. Les marques éthiques ne pouvaient donc pas garder des stocks éternellement sur le dos sans financer de nouvelles collections. Et les minima de commande chez les grossistes obligeaient ces marques à  s’engager sur de grandes quantités de tissu. Certaines pratiquaient alors, pour survivre et continuer de porter un mode de production vertueux, de modestes soldes…à perte. 

Mais progressivement, le consommateur a compris. 

Il a compris qu’en fermant les yeux sur les conditions de production, il était lui aussi condamné, un jour, à perdre son emploi, à perdre la qualité de l'eau qu’il boit et de l’air qu’il respire. Il a compris qu’être consommateur, c’est avant tout exercer son pouvoir de citoyen, et quel est le véritable sens du mot « pouvoir » d’achat. Il a compris que la surconsommation ne le rendait ni plus heureux, ni en meilleure santé, mais que revoir ses besoins et ses priorités, en revanche, oui.

Il a donc délaissé les soldes et les enseignes sans éthique au profit d’achats raisonnés et utiles toute l’année. Il a favorisé pas à pas les petites marques engagées.

Sans plus attendre la responsabilité d'autrui, en lutte pour un monde meilleur pour soi et ses enfants, c’est finalement la conscience citoyenne qui a bousculé nos modes de consommation et préservé le monde dans lequel vous grandissez. »

 

 

* « Comment un vêtement peut-il coûter moins cher qu'un sandwich? », Li Edelkoort, prévisionniste hollandaise des modes et tendances futures.

** « C'est une mesure attendue par les professionnels pour "créer plus d'urgence et d'envie" »,  Delphine Gény-Stephann dans une interview au Parisien.

*** chiffre OMS

Diane Scemama

Article rédigé par :

Diane Scemama

Les avis de la communauté

Eric M.

Bonjour Diane, je suis Eric de Couleurtong. Bravo pour ton article très clair et très bien écrit. Je me permet simplement de dire que nous avions cessé notre collaboration car nous sommes contre le retour gratuit qui incite les consommateurs à acheter sans réfléchir puis à retourner. C’est gratuit ! En dehors des coûts importants que ça engendre c’est aussi complètement anti écologique. Même si le ca que vous m avez généré était très faible je suis déçu que nous n ayons pu poursuivre car j aime bien ce sue vous écrivez. Amicalement. Eric.

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